Une loi : pas n'importe laquelle. Celle-ci change la donne : ce n'est plus la prostituée qui est condamnée, mais son client. Car le corps des femmes - des hommes, des enfants, des trans, bref le corps humain n'est pas une marchandise. Un jouet auquel les hommes auraient droit.

Sous prétexte que certaines prostituées revendiquent leur liberté ? Réponse de Rose Dufour, anthropologue, qui a travaillé au sein du Projet Intervention Prostitution Québec dont la mission est de venir en aide (pour, par, avec) aux filles et aux garçons en lien avec la dynamique prostitutionnelle :

On ne rêve pas de devenir prostituée (1), on le devient par un chemin personnel qui implique toujours les plans familial et social. Considérés dans une perspective de mise à jour des processus, les récits de ces 20 femmes montrent l’existence d’une synergie complexe entre les plans personnel, familial et social. Selon le cas, un poids différentiel apparaît tantôt sur l’un ou l’autre plan.

Dix-sept filles sur vingt (85%) ont eu à affronter un rapport au sexe alors qu’elles étaient encore enfants et non pubères par des abus sexuels, le plus souvent incestueux, répétitifs, plus généralement dans la famille ou dans le voisinage immédiat, et/ou par des abus de rue (5). Les trois autres filles (15%) qui n’ont pas été sexuellement abusées ont eu  à affronter un rapport au sexe comme une alternative à la pauvreté.

Cette étude montre que la clé des systèmes sociaux producteurs de la prostitution se trouve d’abord dans l’abus sexuel, dans le lien étroit entre les abus de ces petites filles sexuellement abusées alors qu’elles n’étaient que des enfants, même pas pubères, et leur abuseur.

En conséquence accepter la prostitution équivaut à accepter la kleptomanie, revendiquée comme un besoin "normal", par les kleptomanes !

Sous prétexte qu'il y a des clients, il faudrait accepter que La France compte entre 15 000 et 18 000 "travailleurs du sexe". En 2003, les deux-tiers de cette population était étrangère. Bien qu’elle ne dépasse pas en proportion celle des "filles de l’Est", le tiers de ces personnes était originaire d’Afrique sub-saharienne, selon l’Office central pour la répression du trafic des êtres humains (OCRTEH). Ces chiffres,n’ont cessé d’augmenter depuis 2000. ( voir l'interview du Commissaire de l'OCRTEH dans l'article De plus en plus de prostituées africaines en France").

Sous prétexte que les clients iront en Espagne ? C'était déjà l'argument pour réouvrir les sordides maisons closes. Que la France suive la Suède, la Norvège ou l'Islande ne peut qu'avoir un effet positif, en Europe, et tout simplement localement.

Sous prétexte d'une libido masculine "incontrôlable", les clients frustrés risqueraient de s'attaquer aux autres femmes, de multiplier les viols : est-ce une raison pour sacrifier une partie de la population féminine (et bien sûr la plus défavorisée) ? Qui accepterait que sa fille, que sa sœur soit ainsi mise sur le trottoir pour protéger les autres ?

De plus considérer ainsi la sexualité masculine est dégradant. Les hommes ne sont pas des bêtes incapables de maîtriser leurs pulsions. Encore faut-il que la société leur permette de se représenter la sexualité, l'autre, sous un jour, plus lumineux. La loi proposée peut justement la replacer dans des limites nécessaires : celle de la joie, de la rencontre, sans intermédiaire.

NB novembre 2011 : voir l'excellente étude écossaise publiée par prostitutionetsociete.fr.