"La peur du nucléaire contamine le Japon", titrait hier le journal Sud Ouest. Ce n'est pas le risque, bien réel, objectif, d'une catastrophe nucléaire qui est souligné mais un sentiment, irrationnel, voire puéril.

On pouvait y lire, à propos de  la centrale nucléaire du Blayais, située à 50 km de Bordeaux, à l'embouchure de la Gironde et classée par le Figaro dans la liste des quatre accidents majeurs de l'histoire :

Les incidents nucléaires au Japon n'inquiètent pas les habitants aux alentours de la centrale nucléaire, capitale pour la vie économique du Blayais.

Tout est dit. Le spectacle tourne le réel en ridicule. Les images du Japon ne valent rien face à la monnaie, sonnante et trébuchante.

Et pourtant, si Tchernobyl pouvait être attribué à la désorganisation soviétique, à la vétusté des techniques d'un empire décadent (argument qui ne tient pas  : quelle société peut s'enorgueillir de l'assurance de se survivre éternellement, assez pour maintenir en état des équipements technologiques ultra dangereux pour la planète?), le Japon fait partie du trio de tête des puissances mondiales. Il nous ressemble, et même, nous aimerions lui ressembler. Il a l'air d'un grand frère qui aurait survécu au pire.

Certains s'étonnent qu'après avoir subi sur leur sol le désastre des bombes atomiques, les Japonais aient opté pour l'énergie nucléaire. Mais qui décide, là-bas comme ici de développer le nucléaire ? En vertu de quelle logique ? 

Certains s'étonnent que l'électricité nippone soit gérée par des entreprises privées. Les mêmes se souviennent-ils qu'EDF est désormais partiellement privatisée ? Que 22000 salariés y travaillent en sous traitance  ?

La ministre de l'écologie (dont le portait figure ce mois-ci en couverture de la Décroissance)

appelle bien sûr à une "réunion de crise" : mais de quelle crise parle t-on ? Encore des gesticulations sophistiques pour éteindre la pensée qui s'éveille...

Quand les CRS sectionnent les tendons des mains des manifestants pacifistes qui ont tenté de bloquer le "train d'enfer" (contenant des déchets vitrifiés allemands hautement radioactifs) le 5 novembre 2010, ceux-ci, brûlés au 2ème et 3ème degrés,  voient leur plainte contre la police rejetée. En revanche 7 militants sont condamnés à un mois d'emprisonnement avec sursis et 1000euros d'amende auxquels s'ajoutent 20500euros pour la SNCF. En matière de nucléaire, en France, la non violence est condamnée, la violence est promue.

Ni cellule de crise, ni débat médiatique sur le nucléaire ou sur l'islam : c'est une réflexion profonde, individuelle avant d'être collective, qui doit nous animer afin de repenser notre rapport au monde. Si nous savons nous orienter dans notre vie alors nous ne laisserons plus les rennes de nos existences à ceux qui n'y voient que profits. Retrouver personnellement le sens de ses activités et les inscrire dans un monde ouvert, voilà ce que nous devons réussir. La tâche est ardue mais nous sommes nombreux à nous y atteler.

J'en veux pour preuve l'ouvrage que vient de publier Stéphane FERRET, Deepwater Horizon, qui ne propose rien de moins qu'une "nouvelle" éthique, philosophie de la crise écologique. Il conclut :

Une croyance se dégage : la sphère des objets susceptibles de considération morale et juridique n'est pas la sphère de l'humain mais la sphère du monde, soit, pour la parcelle du monde qui nous occupe, la nature et les nombreux spécimens de toutes sortes qui la composent. 

L'écologie est la seule alternative dont nous disposons : il est urgent de partager cette solution avec tous, car le nationalisme proposé par les LePen charme tel un serpent les populations déniaisées par cinq ans de sarkozysme. La véritable ressource est la nature, dont nous sommes. Retrouvons son sens, au quotidien et nous saurons nous battre pour survivre, en son sein.

Ainsi parlait le Japonais Masanobu Fukuoka en 1975, dans son excellente "Introduction à l'agriculture sauvage", publiée en France en 2005 par Trédaniel, La révolution d'un seul brin de paille :

Dans la mesure où chacun ne transforme pas fondamentalement sa conscience, la pollution ne cessera pas.

        NB : Merci à Banksy pour l'illustration en tête de ce billet.