Alors que les Espagnols se prononceront dans une dizaine de jours sur la proposition de constitution européenne, Jacques Chirac a rejoint son homologue hispanique pour participer à une grande mise en scène en faveur du oui. Le chef de l'Etat parle d'« acte civique » pour qualifier non pas le fait de se rendre aux urnes, mais bien le vote favorable à la constitution Giscard.

Sommes toutes, les Espagnols sont invités non à s'intéresser à la question européenne et à en débattre, mais à ne pas s'abstenir de voter oui. Une telle visite est ainsi l'occasion pour les média français de faire du vote espagnol une présentation politicienne plutôt qu'une analyse politique. Personnages d'envergure ( Chirac, Zapatero... ), mise en scène d'un débat pour lequel public et questions sont préalablement choisis, coup de théâtre de dernière minute ( Schröder et Berlusconi grippés ) : les journalistes possèdent tous les éléments pour évoquer le spectacle sans effleurer le contenu de la campagne. Soulignons néanmoins la partialité des éléments fournis qui ne portent que sur le oui. Le cercle reste vicieux : pourquoi parler du non alors que les Espagnols vont voter oui, comme le prédisent les sondages ? Comme d'habitude, la validité des enquêtes n'est pas remise en cause.

Le référendum espagnol est le premier exemple de la longue course référendaire que l'Union européenne doit accomplir pour adopter ou non une constitution qui consacre les valeurs libérales Alors qu'il nous est demandé de nous constituer en Union selon des modalités précises, définies dans le texte, il semble que nous ne devions pas nous prononcer sur les valeurs ou les objectifs choisis mais simplement sur une volonté largement partagée : celle de poursuivre la construction européenne. En ce sens, seule l'abstention constitue une position anti européenne. Le oui comme le non sont des déterminations qui expriment une adhésion ou un rejet des valeurs et des objectifs affirmés dans le texte à prétention constitutionnelle. Se rendre aux urnes est en soi un acte civique, et voter non constitue selon nous l'expression d'une liberté inhérente au principe du référendum. A quand l'invention du plébiscite à réponse unique ?