Nous n'avons de cesse de mettre en garde les Français contre le traitement actuellement fait aux personnes étrangères en situation irrégulière : chaque semaine voire plusieurs fois par semaine le Réseau Education Sans Frontières nous invite à interpeller préfectures, gouvernement, ministères, quant à l'expulsion silencieuse de pères de famille dont les enfants sont français, de familles entières pourtant "insérées" vers des pays en guerre ou en état de délabrement économique. Certains fonctionnaires continuent à pratiquer la politique du zèle tandis que la Police s'acharne sur ses proies. Cette fois la menace s'amplifie. Elle vient certes de l'extérieur du pays, mais de l'intérieur de la forteresse Europe : la loi sur la sécurité (toujours la même excuse...) et l'immigration a été adoptée le 2 juillet dernier. Elle comprend notamment l'enlèvement à la naissance des enfants nés d'une mère en situation irrégulière. Vous lisez bien : ces enfants ne pourront être déclarés par leur mère et seront mis entre les mains de l'Etat. Après le fichage des enfants Roms, voici leur abandon obligatoire. Confisquer l'identité d'individus sous prétexte d'un racisme institutionnalisé est une innovation en matière de terreur d'Etat. La stérilisation des populations qu'on souhaite supprimer est tristement connue : plus hypocrite, ce vol des enfants rappelle que notre époque est celle des bébés marchandises pour lesquels on loue un utérus.... L'italie est un des pays européens dont le taux de fécondité est le plus faible. Dans un pays où le droit à l'avortement est mis en danger, que signifie une telle menace ? S'agit-il d'élever ces orphelins forcés en parfaits petits Italiens ou simplement de pousser à l'extrème la logique de la chasse aux immigrés ? Un mouvement d'appel à la prise de conscience européenne de la radicalisation de la politique d'immigration italienne qui portait déjà clairement, à l'instar de celle menée par Sarkozy, atteinte aux droits de l'homme, est né. Un appel à signature est passé dans le mensuel italien MicroMega. En voici reproduit la traduction que vous trouverez dans le Courrier international de cette semaine :

A la culture démocratique européenne et aux journaux qui l'expriment :
Les choses qui se produisent en Italie ont toujours eu, pour le meilleur et pour le pire, une influence extraordinaire sur toute la société européenne, depuis la Renaissance italienne jusqu'à l'ère du fascisme. Mais ces choses n'ont pas toujours été connues à temps.
En ce moment, les journaux européens sont très attentifs à certains aspects de la crise qui touche notre pays. Nous estimons toutefois qu'il est du devoir de nous tous qui vivons en Italie d'attirer l'attention de l'opinion publique européenne sur d'autres aspects ignorés. Il s'agit de certaines initiatives politiques et législatives italiennes qui, si on ne parvient pas à les contrecarrer, risquent de défigurer le visage de l'Europe et de faire reculer la cause des droits de l'homme dans le monde entier.
Le gouvernement Berlusconi, invoquant la sécurité, a imposé au Parlement, sur lequel il exerce un contrôle absolu, l'adoption de mesures discriminatoires à l'égard des immigrés telles qu'on n'en voyait plus en Europe depuis l'époque des lois raciales. Le sujet passif de la discrimination a changé, il ne s'agit plus des Juifs mais des immigrés en situation irrégulière, soit des centaines de milliers de personnes. Les dispositions prévues par les lois raciales, comme l'interdiction des mariages mixtes, elles, n'ont pas changé. Par cette interdiction, on empêche, sur des critères de nationalité, l'exercice d'un droit fondamental tel que celui de se marier sans contraintes de type ethnique ou religieux. Un droit fondamental que l'on soustrait ainsi non seulement aux étrangers, mais aussi aux Italiens. Par une disposition portant encore davantage atteinte à la dignité humaine, on a introduit l'interdiction pour les femmes étrangères en situation irrégulière de déclarer les enfants qu'elles ont mis au monde. Ainsi, en vertu d'une décision politique venant d'une majorité éphémère, Même le fascisme n'était pas allé aussi loin. Les lois raciales instaurées par ce régime en 1938 ne privaient pas les mères juives de leurs enfants, ni ne les contraignaient à avorter pour éviter de se faire confisquer leurs enfants par l'Etat.Nous ne nous adresserions pas à l'opinion publique européenne si la gravité de ces mesures n'était telle qu'elle dépasse les frontières nationales et n'exigeait une réaction responsable de toutes les personnes qui croient en une humanité commune.L'Europe ne peut accepter que l'un de ses pays fondateurs régresse à un niveau primitif de vivre-ensemble, en contradiction avec les lois internationales ainsi qu'avec les garanties et la culture juridiques sur lesquelles se fonde la construction politique européenne.Il est dans l'intérêt - et il en va de l'honneur - de nous tous Européens que cela ne se produise pas.
La culture démocratique européenne doit prendre conscience de la pathologie qui vient de l'Italie et se mobiliser pour empêcher qu'elle se répande en Europe. A chacun de choisir la meilleure façon de manifester et de faire valoir son opposition.
Andréa Camilleri, Antonio Tabucchi, Dacia
Maraini, Dario Fo, Gianni Amelio, Wu Ming et 34 000 autres signataires

Pour commencer, vous pouvez signer cet appel en italien et en anglais...