Le viol est devenu un thème récurrent des nouvelles chaque jour. Parce qu'il serait davantage dénoncé ? Il l'a toujours été. Ainsi dans la loi salique des francs, le viol d'une femme mariée est autant sanctionné que le meurtre d'un homme libre. Dans le droit wisigoth, l'homme libre qui viole une femme libre par"cent coups de bâton et la mise en esclavage" (E. Viennot, La France, les femmes et le pouvoir).
Ce qui m'interpelle c'est un sentiment de menace diffus qui plane derrière ces faits divers dont les auteurs sont des collégiens de 14 ans, des militaires français dans des camps de réfugiés, des prisonniers dans les maisons d'arrêts... Je me demande ce qui autorise une telle banalité du phénomène. Si le viol était si condamné chez les Barbares n'est-ce pas parce que la tentation du passage à l'acte est grande ?
J'émets l'hypothèse que notre société favorise la banalisation d'un tel désir en acceptant l'évolution des programmes télévisuels vers un voyeurisme décadent ou la transformation de nombre de titres de presse en vitrine à scandale. L'Internet ajoute aux tentations permanentes de violer l'intimité d'autrui. Certes il s'agit dans tous ces cas de viols virtuels ce qui ne signifie pas qu'ils n'ont pas de réalité. Photos et vidéos obtenues sans consentement impliquent celui qui les regarde en tant qu'il en devient complice. Banaliser ce regard sur autrui me semble autoriser l'intrusion dans l'intimité, dont la sexualité est le domaine par excellence.
Il faudrait évoquer l'exhibition qui caractérise également souvent l'expression sur Internet : plus direct que l'effort artistique, plus simple que le dialogue avec une autre personne. L'intimité a à voir avec la valeur personnelle en tant que chacun possède un monde à soi qui doit être respecté par les autres. N'est-ce pas l'humanité elle-même que nous piétinons en pénétrant sans aucune pudeur dans tous les recoins des désirs, fantasmes, actions et réactions des personnes qui la composent ? Le plaisir immédiat et individuel érigé en principe de base de l'action amène en tout cas certains individus à un aveuglement criminel et inquiétant, une sorte de consommation d'autrui.