Devant l'horreur qui frappe une certaine population parisienne logée dans des taudis, endeuillée par la mort de plus de soixante personnes en quatre mois, qui se voit aujourd'hui jetée dehors par la police, il semble urgent de réfléchir aux causes de cette situation.

Car si celle-ci n'est pas nouvelle, elle tend néanmoins à s'aggraver. En effet, si les immeubles brûlent, c'est qu'ils sont insalubres. Pourquoi des propriétaires laissent-ils leurs biens à l'abandon ? La réponse est simple : ça rapporte. Il faut en effet placer notre réflexion au coeur de ce qui n'est plus qu'un business florissant : Paris. Non contents de détruire peu à peu notre économie, les possédants, (trop frileux pour investir dans un CAC 40 en hausse de 40% depuis 2 ans ou tellement riches qu'ils ne savent plus quoi faire de leur argent ?) font de notre ville leur quartier général. Les quelques arrondissements qui restent "populaires" sont dépecés et l'insalubrité génère des démolitions, le meilleur signe qui soit pour la spéculation. Cette spéculation qui rend le prix des locations et des ventes absolument absurdes, explique également le scandale qui sous-tend les drames dont nous parlons : d'après le DAL,

en 1962 Paris comptait 20 000 logements vacants selon le recensement. Aujourd'hui 2 millions de logements sont vides en France, et Paris compte 136 554 logements vacants, soit un logement sur dix.

Dès lors se pose une autre question : pourquoi les pauvres gens sont-ils dans les meilleurs cas, logés par la Mairie de Paris dans des taudis, tandis que d'autres meurent de froid chaque hiver ? D'une part, il faut comprendre que malgré ses larmes, M. Delanoë comme ses prédécesseurs connait parfaitement les problèmes d'insalubrité de la ville et la spéculation qui les accompagne et dont certains profitent. Il faut assumer la politique qu'on suit : combien de logements auraient pû être réhabilités avec les 3,8 millions d'euros du Paris plage 2005 ? Si l'immobilisme stratégique de certains politiques amène de tels drames, il est doublé d'un activisme politique largement aussi criminel. Car d'autre part c'est bien l'accroissement de la pauvreté qui explique qu'en même temps que les logements sont réquisitionnés par les spéculateurs, le nombre des nécessiteux augmente. Les politiques qui frappent de plein fouet les classes pauvres portent leurs fruits véreux : citons notamment le non respect du droit d'asile qui prive ceux qui en avait jusque là la possibilité de vivre normalement dans leur pays d'accueil. Ainsi, les victimes de l'incendie de la rue du Roi Doré étaient ivoiriennes. Comme l'indique le dernier communiqué de la Coordination nationale des sans papiers :

Le rapport OFPRA 2003 (Office français de protection des réfugiés et apatrides) nous apprend que 1329 ivoiriens ont fui leur pays en guerre civile, mais que seuls 15,7% ont obtenu le droit d'asile politique, c'est-à-dire qu'ils sont exactement 317 ivoiriens admis au séjour régulier et 1012 ivoiriens dont certainement les 7 morts de la rue du Roi Doré Paris 3éme ont été éconduits.

Mais loin de s'arrêter là le drame s'intensifie avec la réaction du Gouvernement devant la tragédie dont sont victimes les familles sans logement. Voilà qu'elles sont expulsées manu militari : foutues dehors de leurs abris. Au moins les propriétaires sont rassurés : ils n'auront plus besoin du Figaro pour défendre leur point de vue et dormir tranquille (le lendemain de l'incendie du XIIIème le journal osait publier Le "j'accuse" du propriétaire). Odieuse, la méthode Sarkozy est à l'instar de son initiateur d'autant plus redoutable qu'elle est efficace. A nous citoyens d'en réveler les buts inavoués : expulser les pauvres de Paris pour que les immeubles continuent à croupir, mais vides ; humilier les populations d'origine africaine (n'oublions pas que ces enfants sont nés en France : ils sont français), dans quel but ? Peut-être flatter la xénophobie de certains téléspectateurs et attirer ainsi leur vote aux présidentielles ?

La situation est d'autant plus scandaleuse que depuis des années des hommes et des femmes se battent pour proposer des solutions. Rappelons notamment que parallèlement à des politiques responsables et courageuses en matière d'immigration, de respect des droits humains, de protection sociale et d'emploi, il revient à nos gouvernants d'appliquer les mesures qui existent dans la loi française. En l'occurrence, la loi sur les logements d'office, permet au Préfet de réquisitionner des logements vacants pour des personnes et familles mal logées ou sans logis. C'est une des principales dispositions du livre sixième du Code de la Construction et de l'Habitation (C.C.H.) consacré aux "mesures tendant à remédier à des difficultés exceptionnelles de logement". On peut lire au livre Sixième, Exposé des principes, chapitre premier :

Art 611-1. "Dans les villes où il existe une crise grave du logement, des mesures exceptionnelles et temporaires sont prises en vue de réaliser une meilleure répartition des locaux de manière que puisse être assurée l'installation de ceux qui, en raison de leur travail et de leur situation de famille doivent être pourvus de logement".

Cette loi offre ainsi aux Maires et aux Préfets un moyen d'action efficace pour remédier à la situation de crise dans laquelle la France se trouve. Solidaires des sans logement, agissons : réfléchissons et demandons l'application de la la loi de réquisition.