A première vue, les trois heures et quelques de représentation semblent redoutables.
Pourtant, dès la première scène, le personnage éponyme de la pièce d'Henrik Ibsen enchante et nous rassure. Jusqu'à la fin nous ne le quitterons plus des yeux, lui qui gesticule sans cesse, qui profère ses histoires fleuves en narguant son auditoire. Car Peer Gynt est hilarant. Ridicule, on l'invite à boire pour aider son épanchement verbal. Et Peer se livre généreusement aux rires qu'il défie avec fierté. Nous le suivons durant toute son existence, tourbillon de vie dont les éléments objectifs se perdent dans une narration rocambolesque. On ne sait ce que peut traduire par exemple la rencontre d'une tribu de trolls, et au fond on s'en moque car la question ne nous effleure même pas.

C'est peut-être la liberté du rêve qui nous enchaîne au récit et nous ravit. Peer Gynt rêve ce qu'il vit et nous rêvons avec lui. Quand vient l'heure du bilan fatal comme lui nous sommes troublés devant l'interrogation finale. Plongés dans sa vie rêvée plutôt qu'analysée, décrite ou raisonnée, nous nous réveillons abasourdis. Quoi ? La mort, déjà ? Un tel personnage devrait être immortel.