On croit rêver : l'UMP exhorte Hollande à cesser ses négociations avec les Verts "dans l'intérêt de la France". Alors prenons l'argument au sérieux : au nom de quels intérêts devrait-on sacrifier notre avenir au nom du nucléaire ?

La seule réponse recevable pour le Français serait : au nom de l'emploi. Mais quels emplois offre la filière nucléaire ? Le roman La centrale d'Elisabeth Filhol (édition POL) en offre une description saisissante : car si les travailleurs sont de plus en plus des sous-traitants, c'est parce que le danger lié à la présence même au sein de la centrale "gêne" la gestion du personnel. Lorsque la dose d'irradiation maximale est atteinte, le travailleur doit cesser de travailler. Et se retrouver le carreau.  Sans parler de l'accident, de la contamination : « On pourra marcher tant qu'on veut, respirer à pleins poumons, ça ne se nettoie pas." Extrait : 

« Chinon - Trois salariés sont morts au cours des six derniers mois, trois agents statutaires ayant eu chacun une fonction d'encadrement ou de contrôle, qu'il a bien fallu prendre au mot par leur geste, et d'eux qui se connaissaient à peine on parle désormais comme de trois frères d'armes, tous trois victimes de la centrale et tombés sur le même front. Un front calme.(...) Ce qu'on lit dans les journaux et ce qu'en pensent les gens, c'est que trois décès par suicide à quelques mois d'intervalle, trois techniciens employés à la centrale, sur le poids de la vie, et qu'on ne peut quand même pas charger la centrale de ce poids-là, alors que rien ne prouve que l'un ou l'autre, époux et père de famille, ait rencontré des problèmes dans sa vie privée, en posant néanmoins la question, et de ce fait en posant déjà le doute, et de ce doute il restera toujours quelque chose, ce qu'en pensent les gens, sur la loi des séries, c'est qu'il y a en l’occurrence bien peu de hasards, et trop de dysfonctionnements, malaise des hommes, et sonnettes d'alarme qui ont été tirées en vain. ».


De la fiction ? Le documentaire d'Alain de Halleux, Nucléaire, RAS est tout aussi saisissant : "c'est quand même honteux de souffrir dans son travail et de ne pas pouvoir faire son travail correctement" dit un des ouvriers.  "Si quelque chose fait évoluer le nucléaire en France, ce sera l'accident." dit un autre. Quelle région française sera ainsi supprimée de la carte ?
Quels intérêts tiennent autant à cœur de nos dirigeants, droite et gauche gouvernementale (à moins que le PS ose tenir une position novatrice et courageuse face à une opinion publique manipulée) ? Le business du nucléaire est non seulement juteux, mais il offre un marché à très long terme : car si Areva construit les centrales l'entreprise se charge aussi de les "déconstruire", comme on l'a vu à Fukushima.
Le débat démocratique ne doit pas porter sur le maintien des industries françaises qui ruinent le monde, le nucléaire en tête, mais sur le monde dans lequel nous voulons vivre. Et du travail, pour le construire ce monde, il y en a.