Un stérilet bien calé au centre de mon utérus,  je regarde bouche-bée ce brûlot féministe qu'est le film de Cristian Mungiu. Hésitant plusieurs fois  à interrompre le visionnage, je m'encourage : "allez ! Tu es une femme, tu dois connaître la réalité de ta condition !". Sans me cacher les yeux je regarde : alors l'expert en avortement  se fait rémunérer...  par du sexe, alors l'"avorteur" introduit sa sonde dans sa patiente, alors le fœtus expulsé git sur la dalle de la salle de bain. Un film d'horreur ? Et pourtant non. Ces femmes-là sont banales. Et admirables. Elles méritent notre attention, nous spectateurs ébahis devant les difficultés qu'elles rencontrent.

Et puis j'écoute, ces dialogues, moments d'anthologie féministe où la jeune femme qui aide son amie à avorter discute avec son propre petit ami, lui reprochant de ne pas faire du risque de grossesse un sujet d'inquiétude : "c'est impossible !" dit-il. "Je t'épouserai !" hésite-il. Et elle de répondre : "je ne veux pas passer ma vie à te faire de la purée."

Indépendance, courage, abnégation, solidarité, mais aussi solitude, douleur, fatalité, honte. Ce film fait revenir à vous toute la force du droit : droit à l'avortement libre et gratuit, droit à une information sur la contraception, droit à une contraception sans tabou. "Tu as honte de parler de sexe mais tu n'as pas honte de le faire" dit notre jeune héroïne. Honte de parler d'avortement, de contraception, d'accouchement, de menstruations, de ménopause... Quand cessera donc l'indexation de "la" femme sur "l"'homme, seul sujet valorisé, norme qui seule vaut la peine d'être évoquée ? Les femmes ne sont pas des hommes comme les autres, forcées de reléguer leur singularité dans un placard où se cachent des monstres. A elles de montrer qu'elles peuvent singer les hommes : adopter la sexualité qu'ils pratiquent et mettent en scène, taire les différences pré-citées, se remettre au plus vite de leurs grossesses afin d'être à nouveau "sexy"...

Palme d'or en 2007, "4 mois, 3 semaines et 2 jours" de Cristian Mungiu : un chef d’œuvre.