Un vendredi soir, en France. Des habitants fêtent ce soir autour d'un brasero, d’un couscous et de vin chaud, l'hiver qui arrive. Une cinquantaine de personnes discute joyeusement, la nuit est tombée.

Un jeune homme longiligne s'est approché du groupe. Il se tient à l'écart, malgré les sollicitations de Paul*, qui l'a amené jusque-là. Au bout d'un quart d'heure, il consent à s'asseoir sur un banc, près du feu qui réchauffe l'air humide, glacé.

Alice approche, se présente et lui demande son prénom :

- Je m'appelle Mamadou Moustapha Fall.

Elle lui tend un mug rempli de thé. Il l'accepte. Il a 16 ans, dit-il, il vient de Guinée Conakry. Il arrive d'Espagne : en descendant du bus il a demandé l'hospitalité à Paul qui tirait de l'argent au distributeur. Celui-ci l'a ramené sur la Place où la fête bat son plein.

Paul revient justement avec une assiette de couscous. Mamadou s'attable, en silence. Son visage est sans expression. Fermé.

Comme par prudence.

Après concertation avec Paul, mais aussi Albert et Greg, Alice tente de joindre le 115. Au bout d'une heure, le service répond enfin.

- Il a 16 ans ? Nous n'avons pas le droit d'accueillir des mineurs. Il doit se rendre lundi au service qui s'occupe des mineurs et dont voici l'adresse. Pour ce soir, appelez la Brigade des Mineurs ; je vous promets qu'ils ne lui feront pas de mal.

Alice remet à Mamadou l'adresse du service, pour lundi. On décide de ne pas appeler la Brigade des mineurs.

Par prudence.

Albert propose de joindre Sarah, elle habite dans un squat pour mineurs, en centre-ville. Greg disparait puis revient une heure plus tard, accompagné des trois jeunes hommes qui viennent d'ouvrir un squat à deux pas d'ici. Ils acceptent d'accueillir Mamadou.

Debout dans sa doudoune celui-ci n'a aucun bagage : pas même un sac. Fanny propose de lui donner un duvet : on passe le prendre dans sa voiture. Sur le chemin Mamadou explique qu'il a voyagé pendant trois mois à travers le Mali, l'Algérie, le Maroc, puis l'Espagne : il voulait venir en France parce qu'il parle la langue. Il n'y connait personne.

Les trois jeunes se veulent rassurants. Ils ont justement aménagé une chambre aujourd’hui, avec un lit, des draps et une lampe de chevet.

On les remercie. On salue Mamadou. On leur apportera des restes de couscous, demain.

*tous les prénoms sont fictifs.