Powidoki : l'ultime chef d'oeuvre d'Andrzej Wajda
Par Florence Louis le jeudi 23 février 2017, 12:47 - Culture - Lien permanent
L'ange du cinéma polonais se promène encore parmi nous : le dernier film d'Andrzej Wajda sort en salle en France et sa force s'imprime dans nos yeux. Le film (dont le titre français Les fleurs bleues fait
référence à une scène magnifique, bleu tranchant sur le cimetière de
pierre) offre cette vision unique que le cinéaste porte sur son pays.
Historien d'une Pologne martyre de la modernité, Wajda découvre les
méandres de l'âme humaine : affres de la misère, grandeur de
l'admiration, bassesse des compromissions, puissance de libération de
l'art.
Powidoki, (le titre original) c'est la persistance rétinienne que l'artiste Władysław Strzeminski (1893-1952) conceptualisa : notre œil perçoit le monde et lui imprime sa couleur intérieure. C'est à cette vision que le peintre doit donner forme.
"Il s'agit d'une des premières et rares théories artistiques moderne qui prend en considération le mouvement de l'homme", écrit Laurence Kimmel (1). Wajda peint un homme singulier, modèle splendide d'intégrité face à une société où règne l'absurdité.
C'est bien Strzeminski en tant que personne singulière qui habite Les fleurs bleues : l'époux esseulé de l'artiste Katarzyna Kobro (1898/1951), le père d'une petite Nika qui emplit le film d'une dignité presque héroïque, le professeur adulé par une bande d'étudiants à la recherche de l'Art véritable. C'est lui que nous voyons tenir tête, jusqu'à la mort, à un système odieux où "si tu ne travailles pas, tu ne manges pas". Mais plus qu'un film à charge contre le système soviétique, c'est un cri en faveur de la liberté quand elle reste l'unique rempart contre la dépersonnalisation.
1. Un article riche et éclairant sur Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński : Une théorie du pli moderne, par Laurence Kimmel sur le site Exporevue