La troisième partie du projet de constitution européenne définit des politiques qui construisent un cadre étroit dans lequel seront pris tous les futurs gouvernements. Ce cadre est libéral, en ce sens que son but principal est de libéraliser le plus possible le marché intérieur. Le libéralisme est présenté comme une solution aux difficultés européennes.

Pour mieux comprendre, prenons l'exemple d'un "malade" qui a subi un traitement similaire  : l'Angleterre de Margaret Thatcher. Le pays devient en effet en 1979 un véritable laboratoire des préceptes économiques libéraux : par le nombre et l'ampleur des réformes mises en oeuvre ainsi que par la durée de l'expérience. (Monet, Santini, Le libéralisme à l'épreuve des faits, Paris, Nathan, 1992, p.195) L'économie ressort assainie du traitement libéral : la flexibilité du marché s'est accrue, le nombre de chomeurs s'est rapidement réduit entre 1986 et 1990, la privatisation et les déréglementations économiques dans les transports, l'énergie, les services financiers, ont accru la compétititvité et l'efficacité de l'économie, le système fiscal réformé est plus incitatif en matière de création d'entreprises, la productivité du travail a rejoint celle des autres pays riches. Deux "aggravations" ternissent cependant le bilan : les disparités régionales et les inégalités sociales se sont accrues.

Selon plusieurs études officielles, 11 millions de britanniques vivaient en dessous le seuil de pauvreté en 1987, contre 6 millions en 1979.(...) De façon plus générale, l'écart entre les revenus des plus riches et ceux des plus pauvres s'est creusé : depuis 1979, les 10 % des salariés les moins payés ont enregistré une hausse de leurs revenus cinq fois plus faible que celle dont ont bénéficié les 10 % les mieux payés. En outre, la fiscalité a eu tendance à creuser cet écart (...). Par ailleurs, le souci de réduction des dépenses publiques au détriment des dépenses d'équipement a eu pour conséquences une détérioration parfois sensible de certains services publics."(ibid., p.204)

Le tableau manichéen présenté (bonne santé de l'économie, accroissement général des inégalités) rappelle le mot de Lamennais : entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. Si l'Angleterre n'est pas l'Europe, un traitement qui double quasiment la population pauvre d'un pays peut être raisonnablement qualifié de mauvais traitement.