Le Flog - Cultures et actualités politiques

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Politique

Fil des billets

DIAZ, de l'état de nos démocraties

Du contre-sommet du G8 à Gênes en 2001, tout le monde se souvient de la mort de Carlo Giulani. Si nous oublions ce qui s'est passé à l'école Diaz c'est parce que tout a été fait pour dissimuler, masquer, tromper afin que demeure enfoui dans la mémoire des victimes et de leurs bourreaux l'extraordinaire violation des droits de l'homme que l'Italie a alors commise. 

Excédée par la violence des affrontements avec les Blacks blocs dans la rue, la Polizia est envoyée les arrêter dans une école. En réalité, il s'agit de citoyens, manifestants, journalistes, qui utilisent l'endroit comme dortoir et centre de presse Indymédia.  Le film  - un chef d’œuvre, produit par Domencio Proracci à qui l'on doit Gomorra et Habemus Papam - avance dans les faits (suivant le procès-verbal du procès ) et nous peint l'horreur : le passage à tabac par la police de la centaine de personnes présentes, puis leur incarcération (après un passage à l'hôpital sous surveillance). A partir de mensonges se construit leur inculpation, qui justifie un emprisonnement dont le quotidien est fait de véritables tortures (terme inexistant dans le droit italien).

Il faut voir ce film pour comprendre à quel point le rapport de force en Europe entre le peuple qui s'exprime et l'Etat qui soutient l'ordre, est biaisé en faveur du second. Le risque est de verser dans un fascisme toujours latent, gangrène qui pourrit la société en son ensemble, des skinheads qui assassinent Clément Méric et tabassent les homosexuels, aux ténors de l'Etat (on pense à Alain Bauer et aux inculpés de Tarnac) en passant par les policiers qui exécutent les ordres (on retrouve ici le question d'Hannah Arendt : quelles sont les conditions pour que l'homme pense ? Pourquoi obéir ?). Sans parler des bonnes gens qui applaudissent en détournant le regard..

L'Europe n'en a pas fini avec son histoire : la lutte qui oppose l’extrême-droite et la gauche radicale se ravive parce qu'elles portent deux visions du monde qui restent irréconciliables. Il est urgent de comprendre de quel côté les Etats européens penchent quand le bateau commence à tanguer.

L'Italie, laboratoire politique de l'Europe : Toni Negri sur Beppe Grillo

La conférence d'Antonio Negri au TNBA (Bordeaux) le 30 mars dernier a été l’occasion d'entendre un avis éclairé par des décennies de lutte politique et de réflexion philosophique sur le Mouvement cinq étoiles qui vient de remporter un tiers des voix aux élections générales italiennes.

Car, comme le remarque le philosophe, la presse française ne comprend absolument pas ce que représente ce mouvement : il est vrai que l'adjectif populiste revient unanimement, avec des variantes telles que "bouffon", à l'instar de Brice Couturier ce matin sur France Culture.

Or l'Italie a toujours été pour le meilleur et pour le pire "le laboratoire politique de l'Europe." Les expériences qui y furent menées (de Mussolini à Berlusconi en passant par les contestations ouvrières des années 1960) ont souvent été des prémisses des événements à venir ailleurs, sur le continent. 

Alors, une fois oublié le point de vue des médias, quel sens donner au Mouvement cinq étoiles, identifié à Beppe Grillo ?

C'est une formation politique inédite, formée en six mois, organisée à partir de réseaux sur Internet, en dehors des télévisions et des journaux, caractérisée par une forte protestation sociale et qui réclame notamment la diminution des heures de travail ("de façon très ambiguë", nous dit Antonio Negri) et un revenu garanti pour tous.

Le Mouvement cinq étoiles attaque les représentations politiques et les partis, "en termes cohérents" avec ce que le philosophe présente comme "le besoin d'autogestion du commun". Il s'agit de "construire de nouvelles institutions par le bas", "comme le réclamait Spinoza" explique le spécialiste du Prince des philosophes. Alors que l'extrême-gauche traditionnelle, Révolution civile, ne remporte que 2 % des suffrages, trop ancrée dans des visions ouvriéristes du monde du travail, le Mouvement cinq étoiles semble né d'un formidable désir de commun. Or cette aspiration au commun s'est traduite en Italie par le référendum pour l'eau, bien commun, en 2011, porté par le slogan “Ça s'écrit EAU, mais ça se lit démocratie” : le oui a recueilli 95 % des suffrages.

Le commun explique Antonio Negri, ce "nouveau droit naturel" , vient remplacer le public, le domaine de l'Etat, qui apparait à de multiples niveaux, compromis : en effet les citoyens ne se sentent plus protégés par l'Etat, le secteur public étant largement déterminé par les intérêts du capitalisme. Le sentiment du commun est cet appel pour la ré-appropriation des structures de l'Etat-providence (eau, éducation, santé, Justice...) qui tombent peu à peu sous la coupe du privé. La "patrimonialisation  du public sous forme du privé" se traduit par l'idée de "dette sociale". Or, "la dette sociale, c'est la mystification par le capital de la puissance de la coopération sociale." Sans coopération sociale, pas de production de valeur.  Ainsi le commun est "le moteur et le résultat" de la résistance populaire.

Pourtant, ce concept n'existe pas d'un point de vue constitutionnel en Italie : il convient de l'inventer. En ce sens le Mouvement cinq étoiles représente une volonté d'instaurer une démocratie participative, "et non un fantasme anarchiste comme la démocratie directe." Le mouvement vient de refuser l'alliance avec la Gauche (un tiers des suffrages) et la droite (un tiers des suffrages)  - car, regrette Antonio Negri qui se revendique homme de gauche, gauche et droite appliquent la même politique -. Le Mouvement cinq étoiles semble également en bonne place pour remporter bientôt la Municipalité de Rome.

Alors, populiste, ou simplement populaire ?

"Eux n’ont pas besoin de nous pour échouer. Nous, nous n’avons pas besoin d’eux pour survivre."

La non-couverture médiatique de la situation au Chiapas (où depuis 1994 des communautés zapatistes se sont libérées du gouvernement mexicain pour s'autogérer) ne signifie pas la disparition de la révolution zapatiste, bien au contraire. Voilà ce qu'ont rappelé les compañeros et compañeras le 21 décembre dernier en "occupant pacifiquement et en silence cinq chefs-lieux municipaux" du Chiapas. Une présence silencieuse fortement symbolique face à une modernité experte en bavardages et autres gazouillis électroniques. 

"Mexique, 30 décembre 2012.

Au peuple du Mexique :
Aux peuples et gouvernements du monde :
Frères et sœurs :
Compañeros et compañeras :

Le 21 décembre dernier à l’aube, nous sommes des dizaines de milliers d’indigènes zapatistes à nous être mobilisés et à avoir occupé pacifiquement et en silence cinq chefs-lieux municipaux de l’Etat du Sud-Est mexicain qu’est le Chiapas.
Dans les villes de Palenque, Altamirano, Las Margaritas, Ocosingo et San Cristóbal de las Casas, nous vous avons regardé et nous nous sommes regardés nous-mêmes en silence.

Le nôtre n’est pas un message de résignation Il n’est pas de guerre, de mort et de destruction. Notre message est de lutte et de résistance.

Après le coup d’État médiatique qui protège au sein du pouvoir exécutif fédéral l’ignorance mal dissimulée et encore plus mal maquillée, nous nous sommes manifestés pour leur faire savoir que si eux ne sont jamais partis, nous non plus.

Il y a 6 ans, un segment de la classe politique et intellectuelle est parti chercher un responsable de sa défaite. Nous luttions alors dans les villes et dans les communautés afin d’obtenir justice pour un Atenco qui n’était alors pas à la mode.
Dans cet hier ils nous ont tout d’abord calomnié avant de tenter de nous faire taire. Incapables et malhonnêtes pour voir qu’ils portaient et portent encore en eux-mêmes le levain de leur ruine, ils ont prétendu nous faire disparaître avec le mensonge et le silence complice.

Six ans après, deux choses restent claires :
Eux n’ont pas besoin de nous pour échouer. Nous, nous n’avons pas besoin d’eux pour survivre.


Nous, qui ne sommes jamais partis bien que les médias de tous bords aient tenté de vous le faire croire, nous avons resurgi en indigènes zapatistes que nous sommes et que nous serons.
Durant ces années nous nous sommes fortifiés et nous avons amélioré significativement nos conditions de vie. Notre niveau de vie est supérieur à celui des communautés indigènes proches des gouvernements en place, qui en reçoivent les miettes et les gaspillent dans l’alcool et les produits inutiles.
Nos habitations s’améliorent sans pour autant abîmer la nature en lui imposant des chemins qui lui sont étrangers.
Dans nos villages, la terre, qui avant servait à engraisser le bétail des finqueros et des grands propriétaires, est aujourd’hui dédiée au maïs, au haricot rouge et aux légumes qui illuminent nos tables.
Notre travail reçoit la double satisfaction de nous approvisionner du nécessaire afin de vivre dignement, tout en contribuant à la croissance collective de nos communautés.
Nos enfants vont dans une école qui leur enseigne leur histoire, celle de leur patrie et celle du monde, ainsi que les sciences et les techniques nécessaires afin de grandir sans cesser d’être indigènes.
Les femmes indigènes zapatistes ne sont pas vendues comme des marchandises.
Les indigènes priistes (du nom du parti politique, lePRI, Parti Révolutionnaire Institutionnel, qui a régné pendant 71 années consécutives au Mexique, NDLR) fréquentent nos hôpitaux, cliniques et laboratoires d’analyse parce que dans ceux du gouvernement il n’y a ni médicaments, ni appareils, ni docteurs, ni personnel qualifié.
Notre culture fleurit, non pas dans l’isolement mais enrichie du contact avec les cultures des autres peuples du Mexique et du monde.
Nous gouvernons et nous nous gouvernons nous-mêmes, en recherchant toujours avant tout l’accord plutôt que la confrontation.
Tout cela a été obtenu non seulement sans le gouvernement ni la classe politique, ni les médias qui l’accompagnent, mais aussi en résistant à leurs attaques de tous types.

Nous avons démontré une fois de plus que nous sommes qui nous sommes.
Avec notre silence nous nous sommes manifestés.


Maintenant, avec notre parole nous annonçons que :

Premièrement. - nous réaffirmerons et nous consoliderons notre appartenance au Congrès National Indigène, espace de rencontre avec les peuples originaires de notre pays.

Deuxièmement. - Nous renouerons le contact avec nos compagnons et nos compagnes Adhérent-es de la Sixième Déclaration de la Forêt Lacandone au Mexique et dans le monde.

Troisièmement.- Nous essaierons de construire les ponts nécessaires en direction des mouvements sociaux qui ont surgi et qui surgiront, non pas pour les diriger ou les remplacer, mais pour apprendre d’eux, de leur histoire, de leurs chemins et de leurs destinées.
Pour cela nous comptons sur le soutien d’individus et de groupes de différentes parties du Mexique, regroupés en équipes de soutien des commissions Sexta et Internazionale de l’EZLN, afin qu’ils se convertissent en courroies de communication entre les Bases de Soutien Zapatistes et les individus, groupes et collectifs Adhérents à la Sixième Déclaration, au Mexique et dans le monde, qui maintiennent encore leur conviction et leur engagement pour la construction d’une alternative non institutionnelle de gauche.

Quatrièmement.- Nous maintiendrons notre distance critique face à la classe politique mexicaine qui, dans sa totalité, n’a rien fait d’autre que de prospérer aux dépens des besoins et des espérances ds gens simples et humbles.

Cinquièmement.- Au sujet des mauvais gouvernements fédéraux, étatiques et municipaux, exécutifs, législatifs et judiciaires ainsi que des médias qui les accompagnent, nous disons la chose suivante :
Les mauvais gouvernements de tout le spectre politique sans exception aucune, ont fait tout leur possible pour nous détruire, nous acheter, nous soumettre. Parti Révolutionnaire Institutionnel, Parti d’Action Nationale, Parti de la Révolution Démocratique, Parti Vert Ecologiste Mexicain, Parti du Travail, Convergence Citoyenne ainsi que le futur parti de Régénération Nationale, nous ont attaqué militairement, politiquement, socialement et idéologiquement.
Les grands médias ont essayé de nous faire disparaître d’abord au travers de la calomnie servile et opportuniste, puis au travers du silence sournois et complice. Ceux à qui ils ont servi et dont ils ont tété l’argent ne sont plus là. Et ceux qui les remplacent aujourd’hui ne dureront pas plus longtemps que leurs prédécesseurs.

Comme cela fut mis en évidence le 21 décembre 2012 dernier, ils ont tous échoué.

Il reste donc au gouvernement fédéral, exécutif, législatif et judiciaire à décider s’il réitère sa politique de contre-insurrection qui n’a rien obtenu d’autre qu’une faible simulation bêtement soutenue par la gestion médiatique, ou bien s’il reconnaît et tient parole au sujet de ses engagements, en élevant au rang constitutionnel les droits et la culture indigènes, tel qu’il sont établis dans ce qu’on appelle les « accords de San Andrés », signés par le gouvernement fédéral en 1996, dirigé alors par ce même parti aujourd’hui en charge de l’exécutif.
Il reste au gouvernement du Chiapas à décider s’il maintient la stratégie malhonnête et ruineuse de son prédécesseur, qui, en plus d’être corrompu et menteur, a utilisé les deniers du peuple chiapanèque pour son propre enrichissement et celui de ses complices, et s’est dédié à l’achat à visage découvert des voix et des plumes dans les médias, tandis qu’il plongeait le peuple du Chiapas dans la misère en même temps qu’il utilisait ses policiers et paramilitaires afin de tenter de freiner l’avancée du processus d’organisation des peuples zapatistes ; ou bien si, avec vérité et justice, il accepte et respecte notre existence et se fait à l’idée que fleurisse une nouvelle forme de vie sociale au sein du territoire zapatiste, au Chiapas, Mexique. Un épanouissement qui attire l’attention de personnes honnêtes partout sur la planète.
Il reste aux gouvernements municipaux à décider s’ils continuent à avaler les couleuvres avec lesquelles les organisations antizapatistes et soi-disant « zapatistes » les extorquent pour agresser nos communautés ; ou bien si ils utilisent alors ces deniers pour améliorer les conditions de vie de leurs gouvernés.
Il reste au peuple du Mexique qui s’organise autour de la lutte électorale et qui résiste, à décider s’ils continuent à voir en nous des ennemis ou des rivaux sur lesquels décharger leur frustration du fait des fraudes et des agressions qu’au final nous souffrons tous, et si dans leur lutte pour le pouvoir ils continuent à s’allier avec nos persécuteurs ; ou s’ils reconnaissent enfin en nous une autre manière de faire de la politique.

Sixièmement.- dans les prochains jours l’EZLN au travers de ses commissions Sexta et Internazionale, fera connaître une série d’initiatives de caractère civil et pacifique visant à marcher aux côtés des autres peuples originaires du Mexique et de tout le continent, ainsi qu’aux côtés des gens qui au Mexique et dans le monde entier, résistent et luttent en bas à gauche.

Frères et sœurs : Compañeros y compañeras :
Auparavant nous avions la chance de compter sur l’attention honnête et noble de divers médias. Nous les avons alors remercié. Mais cela a été complètement effacé par leur attitude postérieure.
Ceux qui ont parié sur le fait que nous n’avions qu’une existence médiatique et qu’au travers de l’isolement médiatique et du silence nous disparaîtrions, se sont trompés.
Quand il n’y avait ni caméras, ni micros, ni plumes d’écrivains, ni écoute, ni regard, nous existions.
Quand ils nous calomniaient, nous existions.
Quand ils nous passaient sous silence, nous existions.
Et nous sommes là, existants.
Notre chemin, comme cela a été démontré, ne dépend pas de l’impact médiatique, mais de la compréhension du monde et de ses parties, du savoir indigène qui régit nos pas, et de la décision inébranlable qu’apporte la dignité d’en bas à gauche.
A partir de maintenant notre parole commencera à être sélective quant à ses destinataires, et à part quelques occasions, ne pourra être comprise que par ceux qui ont marché et qui marchent avec nous, sans se soumettre aux modes médiatiques et conjoncturelles.

Ici, bien qu’avec un certain nombre d’erreurs et beaucoup de difficultés, une autre forme de faire de la politique est déjà réalité.
Peu, très peu auront le privilège de la connaître et d’apprendre directement d’elle.

Il y a 19 ans nous les avons surpris en occupant leurs villes avec le feu et le sang. Aujourd’hui nous l’avons refait, sans armes, sans morts, sans destruction.
Nous nous différencions ainsi de ceux qui, durant leurs gouvernements, ont réparti et répartissent la mort entre leurs gouvernés.
Nous sommes les mêmes qu’il y a 500 ans, qu’il y a 44 ans, qu’il y a 30 ans, qu’il y a 20 ans, qu’il y a à peine quelques jours.
Nous sommes les zapatistes, les plus petits, ceux qui vivent, luttent et meurent dans le dernier recoin de la patrie, ceux qui ne titubent pas, ceux qui ne se vendent pas, ceux qui ne se rendent pas.

Frères et sœurs : Compañeros y compañeras :
Nous sommes les zapatistes, recevez nos embrassades.
Démocratie ! Liberté ! Justice !

Depuis les montagnes du sud-est mexicain
Pour le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène - Commandement Général de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale.
Sous-commandant Insurgé Marcos. Mexique. Décembre 2012 / janvier 2013"

Du Mexique, lettre de soutien à la lutte de notre Dame des Landes


Un message d'un autre monde... pas besoin de prendre l'avion pour en sentir la proximité.

"Le 25 octobre, dans le cadre de la rencontre/séminaire « Mexique - Europe : ils ne passeront pas », des centaines de personnes se sont réunies au Centre intégral de formation indigène/université de la Terre de San Cristóbal de Las Casas au Chiapas. Parmi les participants se trouvaient des internationaux, des habitants de San Cristóbal de Las Casas et de nombreux paysans et délégués des communautés de Bachajón, de Tila, de la forêt des Chimalapas (Oaxaca) ainsi que d’autres villages et hameaux du Chiapas, venus partager et écouter les expériences de résistance face aux mégaprojets, en Europe et au Mexique. L’initiative de cette lettre de soutien, signée depuis par de nombreuses organisations, personnes et collectifs mexicains, est née dans la foulée de ces rencontres.

DU MEXIQUE, LETTRE DE SOUTIEN À LA LUTTE DE NOTRE DAME DES LANDES

30 octobre 2012

Aux gens de Notre-Dame des Landes et de la France en résistance À l’ACIPA, à l’ADECA, à la coordination des opposants au projet d’aéroport, Aux associations "COPAIN", aux habitants et habitantes qui résistent et À tous les occupants et occupantes de "la Zone à défendre" ZAD, Aux médias alternatifs et sincères, À l’Autre Campagne et à la Sexta Internationale, Aux luttes contre les mégaprojets et pour la défense de la Terre de toutes les parties du monde

Ici, au Mexique, c’est rage et indignation que nous ressentons après avoir été informés de l’expulsion et de la destruction de maisons, de forêts et de terres de culture par la police française à Notre-Dame des Landes, depuis le 16 octobre dernier. Une zone agricole est menacée par le gouvernement socialiste français et son premier ministre Jean-Marc Ayrault, qui veut imposer sur ces champs de l’ouest de la France un nouvel aéroport de taille internationale, et ce malgré l’opposition des paysans et des paysannes, des jeunes et d’une bonne partie de la population. Nous savons que ce chantier est complètement inutile vu qu’il y a déjà beaucoup d’aéroports en France, et nous sommes au courant du réchauffement climatique global provoqué par la multiplication des avions que seuls les riches peuvent se payer. Nous savons aussi, car ils voulaient l’imposer aux villages d’Atenco dans l’État de Mexico, que la construction d’un aéroport entraîne à elle seule la convoitise pour les terres, l’urbanisation accélérée et l’implantation d’industries dans des zones encore rurales, où l’environnement a été préservé. Ce que ces projets amènent, c’est la division et le contrôle social de la population, et encore une fois ce sont les paysans qui se retrouvent spoliés par des constructions imposées de force et uniquement destinées aux gens de la ville ayant beaucoup d’argent.

Malgré l’énorme distance qui nous sépare, nous voulons vous dire que nos luttes sont semblables : votre lutte est un miroir de la situation de pillage que nous vivons sur nos terres. Il est important pour nous de nous informer de ce qui arrive en Europe, parce que ce sont des modèles qu’on veut nous imposer ici aussi et que nous non plus, nous ne voulons pas perdre nos terres, nos territoires et nos modes de vie.

Nous voulons vous dire également qu’au Mexique, nous luttons aussi contre le pillage des terres, comme c’est le cas des communautés de Tila et de Bachajon au Chiapas, où les terres sont menacées d’être spoliées pour des projets touristiques, ou bien encore dans l’Isthme de Tehuantepec, où les terres sont enlevées aux villages indigènes ikoots et binniza, et où sont imposées des centaines et des milliers d’éoliennes produisant de l’énergie pour les multinationales et où, tout comme à Notre-Dame des Landes, la police est envoyée pour surveiller les chantiers ; ou encore à Huexca, dans l’État de Morelos, où des CRS ont été envoyés il y a quelques jours pour imposer un gazoduc et une usine thermo-électrique d’une entreprise espagnole, et cela malgré les risques liés à la proximité du volcan Popocatépetl ; comme à Atenco, où le projet d’aéroport est toujours d’actualité ; comme ce qu’il se passe contre les communautés zapatistes au Chiapas, que le gouvernement veut déposséder des terres récupérées grâce au soulèvement de 1994 ; comme, enfin, dans des dizaines et des centaines d’autres villages et de communautés partout au Mexique, où ils nous dépossèdent de la terre et nous imposent des projets de mort, mines à ciel ouvert, barrages hydroélectriques, autoroutes, "villes rurales", et tant d’autres projets de "développement" qui cherchent à en finir avec nos communautés et nos terres collectives.

Ces projets inutiles bénéficient seulement aux entreprises telles que OHL, ENDESA, GAMESA, EDF, MALL, GOLDCORP, BLACKFIRE, IBERDROLA, MONSANTO, parmi d’autres. C’est à cause de ces entreprises qu’ils nous répriment et nous envoient la police et les CRS ; mais aussi qu’ils corrompent, achètent les élections et imposent des gouvernements, comme cela fut le cas du président Enrique Peña Nieto et de tant d’autres marionnettes politiques. Leur cupidité et leur désir sans limites d’imposer ces mégaprojets en arrivent même à l’ignominie d’instrumentaliser des groupes paramilitaires, d’imposer les cartels de la drogue et de payer des tueurs à gage pour nous assassiner.

Partout dans le monde, chaque jour nous voyons plus clairement jusqu’à quel point peuvent en arriver ceux d’en haut afin de mettre en place des politiques qui piétinent les peuples au bénéfice du pouvoir économique. Ils sont capables d’inventer une guerre d’extermination contre tous ceux qui s’opposent comme nous à leurs plans de mort. Mais chaque fois qu’ils nous frappent, nous sommes encore plus conscients du système destructeur auquel ils veulent nous soumettre.

Compagnons et compagnes, nous ne fraternisons pas seulement dans la lutte contre la répression : nous voyons aussi que nous partageons la même conscience que notre planète n’appartient pas aux hommes politiques et aux riches qui sont leurs collègues, mais bien aux peuples et aux êtres vivants qui l’habitent. Nous partageons aussi la pleine conscience du fait que nous luttons partout contre ces gouvernements qui se disent démocratiques mais qui nous imposent ces projets, nous divisent et nous détruisent pour satisfaire la dictature de l’argent.

C’est pour cela que nous voulons vous donner du courage dans votre lutte, dans cette étape difficile où ils saccagent vos maisons et vos terres. Nous voulons vous dire que bien que nous ne soyons pas près de vous, vous n’êtes pas seuls et seules. Nous sommes très nombreux à lutter jour après jour contre ces projets de mort pour défendre nos terres, nos territoires et nos façons d’être, c’est-à-dire pour défendre la vie. Nous sommes très nombreux à lutter contre les entreprises transnationales et les gouvernements corrompus. Ce qu’il nous manque seulement, c’est de nous rencontrer, nous écouter et mieux nous solidariser dans la lutte. C’est le moment de réfléchir et de nous organiser face à la soumission à laquelle ils nous condamnent. C’est le moment de nous retrouver sur cette planète qui se rebelle.

COMPAGNONS ET COMPAGNES :

NOUS NE SOMMES PAS SEULEMENT QUELQUES-UNS, NOUS SOMMES DES MILLIERS ! PAS UN PAS EN ARRIÈRE ! NOUS SOMMES AVEC VOUS ! À BAS LES PROJETS DE MORT ! VIVE LA SOLIDARITÉ ! VIVE LA LUTTE DE NOTRE-DAME DES LANDES ! VIVE LA LUTTE CONTRE LES MÉGAPROJETS INUTILES !

Signatures :

COLLECTIFS ET ORGANISATIONS DU MEXIQUE

Collectif à l’initiative du forum « Mexique - Europe : ils ne passeront pas » ; Front des Villages en Défense de la Terre (FPDT), Atenco ; Assemblée des Villages Indigènes de l’Isthme en Défense de la Terre et du Territoire (APIIDT), Isthme de Tehuantepec ; Organisations Indigènes pour les Droits Humains à Oaxaca (OIDHO), Oaxaca ; Communautés Paysannes et Urbaines Solidaires (COMCAUSA) ; collectif « la Rébellion de Tehuantepec", Isthme de Tehuantepec ; Groupe Solidaire de la communauté La Venta, Isthme de Tehuantepec ; Union des Communautés Indigènes de la Zone Nord de l’Isthme (UCIZONI) ; Radio Communautaire « Las voces de los pueblos » 94.1 Matias Romero, Oaxaca ; Assemblée Nationale des Victimes Environnementales (ANAA) ; Alliance Mexicaine pour l’Autodétermination des Peuples (AMAP) ; Mouvement Agraire Indigène Zapatiste (MAIZ) ; Réseau National de Résistance au prix cher de l’électricité (Mexique) ; Réseau Mexicain d’Action face au libre-commerce (RMALC) ; Lien Urbain de la Dignité, Puebla ; Nœud des droits humains, Puebla ; Secteur National Ouvrier et des Travailleurs de la Ville, des Champs, de la Mer et de l’Air de l’Autre Campagne ; Syndicat National des Travailleurs d’Uniroyal ; Coalition des Travailleurs Administratifs et Académiques du Syndicat des Travailleurs de l’Université Nationale Autonome de Mexico ; Collectif Action intelligente des chômeurs, étudiants et travailleurs ; Centre autonome d’apprentissage et de formation politique des travailleurs et travailleuses de l’Autre Campagne ; Dorados de Villa ; Communauté Autonome Ernesto Guevara de la Serna ; Communauté Autonome Ollin Alexis Benhumea Hernández ; Secteur des Travailleurs de l’Autre Campagne-Oaxaca ; La Otra Huasteca Totonacapan ; Brigade de rue de soutien à la femme "Elisa Martínez", A.C. ; Réseau Mexicain du Travail Sexuel ; Espace social et culturel LA KARAKOLA (Mexico DF) ; collectif POZOL, Tuxtla Gutierrez ; Zapateando (média libre adhérent de l’Autre Campagne) ; Agence d’Information Indépendante Noti-Calle ; Notilibertas ; émission radio « Les fils de la Terre » ; revue La Guillotina, Mexico, D.F. ; Croix noire Anarchiste de México ; Nodo Solidale Mexico ; Collectif Azcapotzalco, Mexico DF ; Coordination Nationale « Plan de Ayala »-Mouvement National (CNPA-MN) ; Organisation zapatiste « Education pour la libération de nos Peuples » ; collectif « Caracol Matlatl », Toluca (Etat de México) ; revue électronique Désinformémonos ; Kolektivo « de Boka en Boka », San Cristobal (Chiapas) ; Commune autonome de San Juan Copala, Oaxaca ; Comuneros du village de San Pedro Atlapulco (Etat de México) ; Centre des Droits Humains Digna Ochoa, A.C. (Tonala, Chiapas) ; Conseil Autonome de la zone côtière du Chiapas ; Front civique Tonaltèque AC (Tonala, Chiapas) ; Réseau contre la Répression et pour la Solidarité - Chiapas.

INDIVIDUS

Manuel Antonio Ruiz, Lycée communautaire José Martí ; Ricardo Alvarado (Toluca, México) ; Sonia Voisin (Lyon, Francia), Priscila Tercero, Adhérentes de l’Autre Campagne ; Gloria Muñoz Ramírez ; Marcela Salas Jaime Quintana ; Sergio Castro ; Adazahira Chávez ; Felix Garcia Lazcarez ; Dr. Alfredo Velarde Saracho ; Elsa Mocquet, La Milpa, A.C. (San Cristobal, Chiapas) ; Alèssi Dell’Umbria (Marsella-Oaxaca)

COLLECTIFS DE SOLIDARITE EUROPEENS

Groupe B.A.S.T.A., Münster, Allemagne ; Les trois passants, France ; Plate-forme de Solidarité avec le Chiapas et le Guatemala de Madrid, Espagne ; Caracol Solidario, Franche-Comté ; Espoir Chiapas/Esperanza Chiapas ; Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte, Paris ; Collectif Chiapas - Ariège ; Comitat Chiapas - Aude ; Nodo solidale, Italie ; centre social "le Passe-Partout" et « Groupe CafeZ », Liège (Belgique)."

Tarnac, enquête sur une non-affaire

Rappel des faits : le 11 novembre 2008, 150 policiers débarquent dans le village de Tarnac, Corrèze, 63 km de Tulle. Vingt personnes appartenant à "l'ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome", sont interpellées dans le cadre des investigations sur les actes de sabotage contre des caténaires SNCF survenus durant le week end. Michèle Alliot-Marie alors Ministre de l'Intérieur se félicite de ce qui est directement présenté comme un coup de maître et fait l'objet d'une standing ovation à l'assemblée nationale. 

Mars 2012  : L’instruction est toujours en cours. Son dossier compte près de 198 cotes et 32 tomes.

C'est à cette somme de procès-verbaux que s'attaque David Dufresne, journaliste indépendant, au sens fort du terme. C'est à une foule de témoins et d'acteurs de cette affaire qu'il soumet son interrogation centrale : comment s'est constitué ce dossier antiterroriste  ?  

Pour ce faire, la description et l'analyse de l'antiterrorisme révèle le lien entre la construction fantasmatique d'ennemis intérieurs et la réorganisation alors en cours de la police et de la gendarmerie française.

On n'est plus dans la police judiciaire, quand on est dans la police antiterroriste. On est dans la politique. L'idée maîtresse de l'affaire de Tarnac, c'était de dire que la fusion DST-RG (Direction de la surveillance nationale, ministère de l'intérieur police judiciaire - et Renseignements généraux, sous la direction de la police - ndlr), la réforme du renseignement, était bonne. On a vite compris qu'il ne fallait pas lutter contre la machine Squarini, le futur patron de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur, ministère de l'intérieur - ndlr), le copain de Sarko. Une enquête sur initiative du parquet, comme l'a été cette affaire de Tarnac, c'est politique, c'est dangereux. Le politique s'est créé un outil, hors de contrôle, qui exécute les basses œuvres. Cette affaire en est un emblème. Elle inaugure une nouvelle ère.

Ainsi s'exprime Flathead, pseudo d'un lieutenant de la gendarmerie nationale. Il résume bien le contexte décrit par l'enquête de Dufresne.

Avant tout le besoin pour les ex-RG de se mettre quelque chose sous la dent : on apprend que le groupe antiterroriste chargé des "contestations et violences" se divisait en quatre cellules : "Corses", "Basques", cellule extrême droite et cellule extrême-gauche. A l’intérieur de cette dernière étaient distingués les "durs" et les "mous".

- Les mous ? (...).

- En gros, les militants antinucléaires, la Ligue communiste révolutionnaire, Attac.

Et les durs ? C'est en février 2001 que les RG commencent à dessiner l'ombre d'un nouveau mouvement chargé de représenter une menace terroriste venue de l'extrême gauche : le fichier "anarcho-autonomes" est créé.

En décembre 2002, une nouvelle fiche est ouverte. Elle porte le nom de Julien Coupat (le prétendu "chef" des inculpés de Tarnac- ndlr). Deux ans plus tard le fichier des personnes recherchées de la direction centrale des RG a explosé : près de quatre cents noms y figurent. Tout y passe, de la moindre occupation de faculté à la moindre action de chômeurs en colère. 

Les prétendus durs vont donc être surveillés, écoutés, une enquête est engagée lors de l'achat de la ferme des Goutailloux de Tarnac, là où les anarcho-autonomes sont censés préparer la révolution.

Car l'appareil de l’État dispose d'un document qui sert de "preuve" tout au long de l'affaire : peu importe que cet essai soit anonyme (il est signé par le Comité invisible). Malgré les dénégations de l'éditeur et de l’intéressé, il est mis au crédit de Julien Coupat, et tout ce qu'il recèle d'injonctions à la révolte est retenu contre lui. L'insurrection qui vient parait le 22 mars 2007 aux éditions la Fabrique. Alain Bauer, criminologue, conseiller de l'Elysée sarkozyste en achète quarante exemplaires et en refile à différents journalistes, ainsi qu'au directeur de la police nationale, Frédéric Péchénard.  Attention, l'ouvrage est en vente dans toutes les bonnes librairies, où à l'époque (j'appartiens au groupe des "mous" décrit ci-dessus...)  je l'ai moi-même déniché... Comment son contenu peut-il devenir une pièce à conviction dans un dossier antiterroriste ?

Comprendre cette paranoïa du pouvoir paraît indispensable à l'heure où la machine antiterroriste demeure en place, avec ses outils bien affûtés par Sarkozy et ses sbires. Tarnac, magasin général est une enquête passionnante au cœur de la société française, de ses villes et campagnes où certains essaient de vivre et de penser autrement. Pas comme des porcs, dirait l'autre. 

Pourquoi Eva Joly demeure le seul vote utile

Au plus bas des intentions de vote d'après l'enquête IPSOS commandée par Le Monde, candidate d'un parti qui signe une bourde retentissante en publiant une étude validant son budget au nom de quatre économistes, dont trois démentent, Eva Joly conserve pourtant toute sa légitimité.

Analyser les raisons de son rejet dans l'opinion amène à privilégier quelques pistes.

D'une part la rhétorique sur le vote utile fait du vote PS une obligation pour beaucoup : évidemment le souvenir du 21 avril 2002 est à l'origine du mot d'ordre. Pourtant quelle est l'utilité d'une élection présidentielle où il faudrait voter PS, quelque soit le candidat du parti ? Et quel avenir pour le débat démocratique si le PS est assuré de rallier la gauche en raison de sa position hégémonique ?Le PS de droite nous promet l'austérité qui "rassurera les marchés". Elle est à l’œuvre en Grèce : les cas d'abandon d'enfants se multiplient, parce que les familles tombent dans la misère. Allons-nous sans broncher nous jeter dans la gueule du loup, parce qu'en face les monstres sont encore plus effrayants ?

Le sens du premier tour est bien de donner une image des différents points de vue des Français, afin d'influencer ensuite le gagnant du deuxième tour pour composer son gouvernement. Hollande a montré récemment le peu de sens écologique dont il fait preuve. Le score d'Eva Joly doit être respectable afin que les ambitions écologistes (sortie du nucléaire, respect de l'interdiction des OGM, débat sur les pesticides et l'agriculture dominante, réflexion sur l'industrie...) trouvent une place dans l'après mai 2012.

D'autre part, la médiocrité de la campagne médiatique d'Eva Joly est-elle due à la candidate elle-même ? Sa radicalité est critiquée : c'est pour moi un contresens. Le projet porté par l'écologie se doit d'être radicalement à gauche, au risque d'être confisqué par un pouvoir autoritaire. En effet, une société qui tendait vers une véritable justice sociale démocratiserait la véritable révolution culturelle nécessitée par le réchauffement climatique comme par la crise économique. Au contraire, et c'est déjà ce qui se passe aux franges extrême de la société française, les réductions énergétiques nécessaires ne seraient dans une société inégalitaire que supportées par les pauvres (rappelons la campagne Emmaüs affirmant que 3,7 millions de Français souffrent du froid l'hiver), tandis que les classes les plus aisées jouiraient sans compter d'une électricité qu'ils pensent mériter.

Si sa radicalité est critiquée, c'est certainement parce que l'écologie d'Eva Joly est colportée par des médias aux ordre d'un pouvoir qui entend s'autoconserver et poursuivre un mode de vie luxueux aux antipodes de toute sobriété (voir sur ce point bien sûr Les nouveaux chiens de garde). Le programme Lepéniste est seul désormais à être présenté par les médias comme alternatif : pas étonnant qu'il recueille l'espoir des téléspectateurs formés depuis 50 ans à une idéologie sécuritaire et raciste. Or c'est bien l'écologie qui doit tracer la nouvelle voie, tout simplement parce que c'est la seule qui revient aux failles originelles de notre civilisation moderne capitaliste.

Mais plus précisément, cette radicalité est certainement surtout critiquée au sein même de son parti : Eva Joly n'est pas Mélenchon qui a réussi à rassembler autour de lui le PC et le Front de Gauche. Bien loin de cette alliance, Eva Joly a été élue candidate d'Europe Ecologie alors qu'une forte partie des cadres soutenait Nicolas Hulot. Et entre Hulot et Joly, la différence ne tient pas qu'à la personne : c'est une opposition frontale. Personnellement jamais je n'aurais voté Hulot, qui représente à mes yeux la tartufferie la plus noire, un écran de fumée écologiste porté par des classes riches attachées elles aussi à leurs trains de vie certes un peu plus verts, mais toujours aussi bleus d'un point de vue social. Cette fracture au sein même du parti est certainement ce qui affaiblit le plus Eva Joly.

Et pourtant ses prises de positions ces derniers mois sur les affaires, contre Hadopi, pour la diversité culturelle, face à Marine LePen, contre Sarkozy avec son "Chômez plus pour gagner moins"... m'ont toujours fait l'effet d'éclairs d'intelligence au milieu de l'obscurité médiatique. Voici son attitude face aux mauvaises nouvelles du jour quant à sa campagne : "C'est la nuit qu'il fait beau croire à la lumière".

Espérance parce qu'utopie : c'est toute la difficulté qui nous assaille dans tous les domaines de nos vies. Nous devons tout réinventer. Mais avons-nous d'autres choix ?

Ah, j'oubliais : Madame Joly est une femme. Cela pourrait-il jouer en sa faveur, rassemblant les électrices? Que nenni ! Les Françaises se rêvent bien trop en Anne Sinclair pour admirer Eva Joly.

"Pourquoi je ne connais pas ces invisibles qui travaillent à l'ombre des réacteurs pour m'apporter la lumière ?"

On croit rêver : l'UMP exhorte Hollande à cesser ses négociations avec les Verts "dans l'intérêt de la France". Alors prenons l'argument au sérieux : au nom de quels intérêts devrait-on sacrifier notre avenir au nom du nucléaire ?

La seule réponse recevable pour le Français serait : au nom de l'emploi. Mais quels emplois offre la filière nucléaire ? Le roman La centrale d'Elisabeth Filhol (édition POL) en offre une description saisissante : car si les travailleurs sont de plus en plus des sous-traitants, c'est parce que le danger lié à la présence même au sein de la centrale "gêne" la gestion du personnel. Lorsque la dose d'irradiation maximale est atteinte, le travailleur doit cesser de travailler. Et se retrouver le carreau.  Sans parler de l'accident, de la contamination : « On pourra marcher tant qu'on veut, respirer à pleins poumons, ça ne se nettoie pas." Extrait : 

« Chinon - Trois salariés sont morts au cours des six derniers mois, trois agents statutaires ayant eu chacun une fonction d'encadrement ou de contrôle, qu'il a bien fallu prendre au mot par leur geste, et d'eux qui se connaissaient à peine on parle désormais comme de trois frères d'armes, tous trois victimes de la centrale et tombés sur le même front. Un front calme.(...) Ce qu'on lit dans les journaux et ce qu'en pensent les gens, c'est que trois décès par suicide à quelques mois d'intervalle, trois techniciens employés à la centrale, sur le poids de la vie, et qu'on ne peut quand même pas charger la centrale de ce poids-là, alors que rien ne prouve que l'un ou l'autre, époux et père de famille, ait rencontré des problèmes dans sa vie privée, en posant néanmoins la question, et de ce fait en posant déjà le doute, et de ce doute il restera toujours quelque chose, ce qu'en pensent les gens, sur la loi des séries, c'est qu'il y a en l’occurrence bien peu de hasards, et trop de dysfonctionnements, malaise des hommes, et sonnettes d'alarme qui ont été tirées en vain. ».


De la fiction ? Le documentaire d'Alain de Halleux, Nucléaire, RAS est tout aussi saisissant : "c'est quand même honteux de souffrir dans son travail et de ne pas pouvoir faire son travail correctement" dit un des ouvriers.  "Si quelque chose fait évoluer le nucléaire en France, ce sera l'accident." dit un autre. Quelle région française sera ainsi supprimée de la carte ?
Quels intérêts tiennent autant à cœur de nos dirigeants, droite et gauche gouvernementale (à moins que le PS ose tenir une position novatrice et courageuse face à une opinion publique manipulée) ? Le business du nucléaire est non seulement juteux, mais il offre un marché à très long terme : car si Areva construit les centrales l'entreprise se charge aussi de les "déconstruire", comme on l'a vu à Fukushima.
Le débat démocratique ne doit pas porter sur le maintien des industries françaises qui ruinent le monde, le nucléaire en tête, mais sur le monde dans lequel nous voulons vivre. Et du travail, pour le construire ce monde, il y en a.

Cocktails molotovs et petites pépés : de la violence ordinaire en France

Les événements se mêlent et forment une image fulgurante : cette semaine, de ma province, je me suis promenée en pensée dans Paris, dans ces endroits que je connais par cœur : rue des Pyrénées, rue de Turbigo, Place du Châtelet, Esplanade de la défense. Dans les unes on incendiait l'abri de familles ou la rédaction d'un journal,  dans les autres on manifestait, pour Jésus-Christ ou pour les 99% de la population mondiale qui ne font pas partie des 1% "les plus".

Du feu, des cris, les pauvres jetés à la rue, la presse et le théâtre sommés de se taire, et en face, encore à l'heure qu'il est, des indigné-e-s qui jouent aux David devant les Goliath de la Défense.

Il faut ajouter à ce spectacle la stupeur ressentie en entendant les commentaires de la proposition de référendum en Grèce. "Évidemment, évidemment, a t-on répété, les marchés ne supportent pas l'idée que les Grecs puissent donner leur avis sur le régime qui leur est imposé." Ils auraient dit non, ils disent non : ils auraient pu dire "stop, on ne joue plus. On arrête." Quelle folie ! Dans quel enfer se seraient-ils jetés ? Tout sauf l'autodétermination des peuples, voilà le message du coup de théâtre de Papandréou. Prêts à tout pour que continuent la ronde des politiques que la foule insulte dans les rues d'Athènes, les ajustements structurels qui réduisent les pensions des handicapés, l'achat d'armes à l'étranger qui fait de la Grèce le premier consommateur européen... Etc. 

On remet de l'essence dans le moteur et on redémarre.

On envoie les CRS : pour les Roms, pour Charlie Hebdo, pour la pièce de Romeo Castelluci, pour #Occupy Wall Street et la Défense.

Expulsions, xénophobie, extrémisme religieux, anarcho-capitalisme : à la violence répond la violence.

Un référendum ? De quoi parlons-nous ? Celui de 2005 a été piétiné. 

Alors quoi ? Ah oui, aujourd’hui aussi, se déroulait aussi une manifestation contre les violences faites aux femmes. Le débat sur le viol a été ré ouvert récemment, certes. Il a jeté la lumière sur des pratiques banales chez les 1%  : l'affaire du Carlton de Lille, Dodo la Saumure et les chambres "avec colis".  

Reprendre la parole. individuellement, publiquement. C'est la réponse que constitue la pancarte. "Je suis tellement énervée que j'écris une pancarte" peut-on lire chez les 99 %, ici comme aux USA. C'est déjà un début. 

NB : une petite collection de pancartes ainsi qu'une analyse du traitement par les médias du mouvement #Occupy Wall Street sur Acrimed.

 

Who is who

Eva es-tu là ?

Puisque l'époque est au soutien en vue des Présidentielles, voici ma candidate,  en bonne compagnie !

Dans son émission Répliques, sur France Culture, samedi dernier, consacrée à "l'inquiétude écologique", A. Finkielkraut s'est permis de parler de la "cruauté"  d'Eva Joly envers les personnes mises en examen (pourtant gens de haute condition), quand, alors juge d'instruction, elle osait les faire attendre une journée entière avant leur audition.

Je préfère pour ma part souligner sa droiture. Ci-dessous un extrait d'une interview publiée sur le Monde.fr, à lire d'urgence.

Que se passera-t-il si François Hollande ne se prononce pas pour une "sortie du nucléaire" ?

Pour le coup, ce ne serait pas la "gauche molle" mais la "gauche folle". Je me rends ce soir à Fukushima : après une telle catastrophe, ce serait irresponsable de persister dans le nucléaire.

Vous parlez beaucoup de VIe République, d'éthique. Est-ce bien ce que les électeurs attendent d'une candidate écologiste à la présidentielle ?

Le premier chantier écologique, c'est de dépolluer la République. Si on veut s'attaquer aux maux de la planète, il faut mettre en place une République exemplaire et redonner le pouvoir aux citoyens. Je veux une République de la parité, de la proportionnelle et du droit de vote pour tous.

- page 4 de 12 -