Que s'est-il passé dans la tête de Stephen Hillenburg, joyeux trentenaire, pour qu'il accouche d'une éponge ? La création en question, Bob L'Eponge, est simplement la révélation de ces trois dernières années en matière de dessin-animé. Un phénomène interplanétaire en pleine expansion.

Bob l'Eponge : Un nouveau monde
Aux Etats-Unis, on ne parle plus que de lui. Qui ? SpongeBob Squarepants - littéralement, Bob l'Eponge aux Pantalons Bien Taillés. Répondant à ce doux nom, une éponge rectangulaire, jaune et hilare, aux gros yeux bleus globuleux, habillée tout de même d'une chemisette blanche, d'une cravate rouge, d'un bermuda à ceinture et d'une paire de chaussures vernis. Et oui, le héros dessiné des gamins de 2004 est plutôt BCBG, loin des looks urbains de Bart Simpson ou de la bande à South Park. Ici, pour Bob l'Eponge, on pourrait trouver une filiation plutôt du côté de chez Pee Wee Hermann, grand dadet en costume et nœud rouge des années 80, génial et horripilant. Car chez Bob l'Eponge, comme chez Pee Wee, c'est l'absurde qui fait la loi. On est loin de la critique sociale, du reflet de l'Amérique comme on peut le trouver dans les séries suscitées. Non, la vie de Bob se passe sous l'eau, entre quelques rochers et algues décoratives. Sa maison n'est autre qu'un ananas. Nous sommes à Bikini Bottom, une destination de rêve - dans les deux sens du terme. Car un épisode de Bob l'Eponge est, à l'instar de Star Trek, une expérience irréelle unique, une aventure loin, loin de notre pauvre quotidien. Seuls liens, les sujets de conversation ou les idées, toujours proche de nos petites réflexions à nous.

Derrière Bob, Stephen Hillenburg
Né le 21 août 1961 à Fort Sill, dans l'Oklahoma, Stephen Hillenburg se passionne très tôt pour le monde sous-marin. La vision des films de Jacques-Yves Cousteau le rend définitivement amoureux de la mer et il entame des études sur le sujet. Il devient alors professeur de biologie marine à l'Institut Océanographique de Orange County. Mais son autre obsession, le dessin, le pousse à retourner en classe d'animation au California Institute of the Arts. Il y réalise ses premiers courts-métrages, puis, une fois l'école finie, il commence à travailler chez Nickelodeon, grosse firme de télé enfantine. Là, il apprend les rudiments du métier et commence à réfléchir sur la série qu'il voudrait créer. J'avais envie d'inventer un show où le héros serait totalement innocent, se rappelle Stephen Hillenburg. De son amour pour les fonds marins, Hillenburg garde l'idée d'une bande de potes vivant sous l'eau. Il se procure un aquarium et se construit un univers bien spécial. Il se met aussi au ukulélé, et chante "SpongeBoy ! SpongeBoy !". Mais, le nom est déjà déposé, donc l'auteur choisi finalement SpongeBob. Au départ, l'idée de l'éponge germe, mais il s'agit alors d'une éponge naturelle, difforme. Puis, en y réfléchissant encore, Hillenburg observe sa maison, sa cuisine et décide de donner vue à une éponge de cuisine, bien rectangulaire, bien clean. Le résultat lui plaît : Bob l'Eponge est né.

L'esprit Bob l'Eponge
Ce qui différencie Bob des autres dessins-animés, c'est l'atmosphère absurde, voire pour certains stupide : Mes personnages ont souvent des réactions idiotes, et des comportements parfois totalement ridicules, et les blagues qu'ils se font n'ont souvent pas de références culturelles pop, comme c'est le cas dans d'autres séries jouant avec le second degré... Tout dans Bob tourne autour du côté ludique. L'humour est ludique, le monde représenté est entièrement ludique. Nous avons toujours voulu un show très drôle. Mais, il y a, je pense, un message à la fin : traite les gens de la même manière que toi, tu veux être traité. D'autres messages viennent du fait que nous écrivons les histoires en nous inspirant de nos expériences lorsque nous étions enfants, des événements que nous avons des fois vécu comme des choses difficiles, ingrates, et qui, rétrospectivement, sont super drôles. Un peu comme lorsque vous apprenez votre premier gros mot et que vous n'avez aucune idée de ce qu'il veut dire... C'est cette sincérité dans l'élaboration de la série qui prévaut. Et Stephen Hillenburg le sait : Beaucoup de programmes télé pour les enfants sont, je trouve, très insultants pour l'intelligence. Et pour nous, l'absurdité n'est pas la seule chose qui compte, c'est juste un élément qui entre en ligne, sans nuire aux propos développés dans Bob... Certains voient également Bob comme l'anti-Bart Simpson - il est jaune, mais sa tête est carrée (à l'opposé de la rondeur de Bart), et il a un esprit terriblement positif, il ne critique jamais les autres autour de lui (ce que Bart, souvent blasé, fait en permanence).

L'invasion mondiale d'une éponge
Et ça marche ! Le succès de Bob l'Eponge et de ses amis (car il est entouré d'une foultitude de personnages, à commencer par son meilleur ami, Patrick l'étoile de mer ou son animal de compagnie, Gary l'escargot, qui miaule (sic) !) est énorme. Bob est devenu en quelques mois un phénomène nationale, et les produits dérivés ont déboulé dans tous les magasins, occupant même un étage entier au Toys'R'Us de Times Square à New York. Des Bob à toutes les sauces, en cahier, en serviettes de plage, en géant gonflable, en chaise longue, en skateboards, en mug... Bref, la Spongemania déferle. Et l'Europe est à son tour en train de succomber. Il est vrai que par les temps qui courent, Bob apparaît comme une vague de fraîcheur dans une société au bord de l'asphyxie. Stephen Hillenburg est le premier surpris : J'espérais que nous allions toucher les gens, mais pas dans ces proportions. Voir tous ces gens et beaucoup d'adultes portaient des sweats shirts avec un dessin sur le ventre dont vous êtes l'auteur, c'est à la fois merveilleux et très étrange... Egalement présent dans les jeux vidéos Playstation, Bob est devenu incontournable. Et nombreux sont ceux qui commencent à poser des questions. Parmi elles, une capte l'attention de Stephen : Bob serait-il homosexuel ? À cette idée, relayée par le fait que Bob a pour ami Patrick, l'étoile de mer, Hillenburg répond : Je ne crois pas que Bob est une sexualité facile à définir. Il est en mon sens vraiment asexué. Mais je comprends que la communauté gay s'y intéresse puique le leitmotiv du show est la tolérance. Les personnages sont tous très différents, et pourtant ils s'acceptent tous entre eux, sans appuyer sur les choses qui pourraient les éloigner.

Depuis quelques mois, Hillenburg a arrêté de travailler sur la série télé pour se concentrer totalement sur le film, qui est prévu pour bientôt. Il a été annoncé à de multiples reprises mais nous le sortirons que lorsque nous le jugerons parfait. Et nous y sommes presque. Le plus dur a été de trouver une histoire captivante qui dépasse une heure, alors que chaque épisode de Bob dure onze minutes, ou parfois deux fois onze minutes. Mais tout le monde veut en savoir plus sur Bob et son monde, je pense que l'on va apprendre de nouvelles choses. C'est très excitant... Pour ce qui est de la série télé, nous approchons les soixante épisodes, ce qui est très bien et je me pose la question de l'arrêt du show. J'aimerais pouvoir dire stop avant que le public en ait marre !. Comme Nickelodeon est la réelle propriétaire de la série, les dirigeants pourraient choisir de continuer la série, sans Stephen Hillenburg, mais l'auteur en doute : Je ne pense pas qu'ils aient la motivation pour. De toute façon, on verra bien ce qui se passera après la sortie du film, en 2005. En attendant, Bob continue lui à faire des ravages !